Move people, not cars | Partie 1 - L'état de l'art
Vers une décarbonation complète du secteur des transports d’ici à 2050 : un défi à relever
Objectif zéro émission d’ici à 2050
Ursula Von Der Leyen l’a affirmé clairement : le dérèglement climatique est “la plus grande responsabilité et opportunité de notre temps”. (Ursula Von Der Leyen, 2019).
Le Pacte Vert a posé les bases des politiques européennes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. À ce Pacte, a été intégrée en 2021 la loi européenne sur le climat qui impose aux pays membres le respect des objectifs climatiques à l’horizon 2030 et 2050. Le cap est donné : l’Union Européenne doit devenir neutre en carbone d’ici à 2050 et réduire ses émissions de 55% d’ici à 2030.
Pour atteindre cet objectif, elle doit réduire de 90% les émissions de gaz à effet provenant des transports d’ici à 2050 par rapport au niveau de 1990 (European Environmental Agency, 2023).
Trajectoire de décarbonation de l’Union Européenne à horizon 2050
Source : Karlsruhe, 2021
Une trajectoire de décarbonation jusqu’ici contraire aux objectifs fixés
Malgré des objectifs de décarbonation ambitieux, le secteur des transports est le seul grand secteur économique de l’UE dont les émissions ont augmenté durant les 30 dernières années. Ce dernier représente aujourd’hui 1/4 du total des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. (European Environmental Agency, 2023).
Selon l’Agence Européenne pour l’Environnement, les politiques publiques existantes dans le domaine du transport ne suffiront pas à atteindre les objectifs de neutralité climatiques fixés à horizon 2050. (European Environmental Agency, 2023).
L’inefficacité du parc automobile européen
En plus d’être souvent l’unique mode de transport accessible, la voiture est complètement sous optimisée. Le taux d’occupation moyen des voitures dans l’Union Européenne se situe entre 1.4 et 1.6. (International Energy Agency, 2019).
La dépendance à la voiture individuelle est le reflet d’une fracture territoriale au sein de l’Union Européenne
Les modes routiers sont responsables de la plupart des émissions de gaz à effet du secteur. Parmi eux, la voiture individuelle compte pour plus de 60% des émissions.
Les émissions de gaz à effet de serre provoquées par les transports dans l’Union Européenne
Source : Agence Européenne pour l’Environnement, 2023
Cette situation est principalement liée à un phénomène de dépendance à la voiture individuelle qui touche tous les pays de l’UE dans des proportions importantes :
Source : Eurostat, 2020.
La plupart du temps, cette dépendance à la voiture individuelle ne relève pas d’un choix de la part des automobilistes. Selon une croyance répandue, les automobilistes choisissent de conduire par habitude, par confort ou par envie de reconnaissance sociale. Ce n’est pas le cas pour la plupart des citoyens de l’UE :
Traduction Ecov : 64% des européens souhaiterait utiliser les transports publics plutôt que la voiture pour contribuer à lutter contre le dérèglement climatique.
Source : Banque Européenne d’Investissement, 2020.
La dépendance à la voiture individuelle dans l’Union Européenne est en réalité massivement liée à un manque d’offre alternative de qualité. L’offre actuelle n’étant pas suffisamment étendue pour couvrir l’ensemble des besoins de mobilité :
Contribution des transports collectifs dans la mobilité terrestre de l’Union Européenne.
Description : Ecart entre le volume total de transport terrestre de personnes et la part de ce dernier réalisé au moyen de transports publics.
Source : Agence Européenne pour l’Environnement, 2023.
La Commission Européenne estime que 129 millions de citoyens européens résident dans des territoires qui ne disposent pas d’un accès suffisant aux services de transports publics (Commission Européenne, 2022). C’est 30% de la population de l’UE.
Cette réalité est renforcée par le fait que très peu de pays européens se sont saisis des enjeux de mobilité en zone peu dense (SMARTA Project, 2021). L’Union Européenne a donc un rôle clé à jouer dans la définition d’un cap européen.
La réduction du parc automobile en Europe : un enjeu économique majeur
À l’échelle mondiale, la vente annuelle de véhicules devrait chuter à 84 millions d’unités en 2035. En Europe, une baisse de 20% est prévue par rapport au niveau de 2015 (McKinsey Quarterly, 2023).
Face à la baisse des ventes d’ici à 2050 et à la pression concurrentielle - notamment chinoise -, l'industrie Européenne va devoir trouver de nouvelles formes de compétitivité. Le développement d’une électromobilité fondée sur l’augmentation du taux d’occupation des véhicules peut être le fer de lance d’une politique industrielle ambitieuse pour le secteur automobile.
Source : Le Grand Continent, données de l’Observatory of Economic Complexity.
La digitalisation constitue une opportunité pour les constructeurs. Elle leur permettrait d’inclure les véhicules dans un système de mobilité plus large (génération de données, utilisation des interfaces numériques pour offrir des services de mobilité telle qu’une participation native aux lignes de covoiturage express) qui contribue à optimiser l’usage de l’objet “voiture”.
Les constructeurs peuvent participer à un écosystème de services autour des nouvelles technologies. Ils ont ainsi la possibilité de faire des services de mobilité écoresponsable un axe majeur de développement dans le cadre d’un modèle de Vehicle-as-a-Service («VaaS»).
L’augmentation du taux d'occupation des véhicules à l’agenda
De nombreuses organisations commencent à se pencher sur le sujet du taux d’occupation des véhicules à l’échelle européenne. Ce dernier constitue un levier clé, complémentaire des moyens de décarbonation technologiques.
Bien qu’absolument nécessaire dans la transition du parc automobile, l’électrification des véhicules ne sera en effet pas l’unique levier de décarbonation du secteur. La sobriété - à la fois matérielle via la réduction de la taille des véhicules et d’usage via l’augmentation du taux d’occupation des véhicules et à termes la démotorisation - doit être amorcée, et pensée en lien avec le développement de l'électrique.
La vente de 100% de véhicules zéro émissions d’ici à 2050 ne suffira pas pour décarboner le secteur à temps.
Source : Transport & Environment, 2018.
La réduction du nombre de véhicules devra forcément s’accompagner de politiques structurantes d’augmentation du taux d’occupation pour garantir l’acceptabilité sociale et économique de la transition du parc de véhicules vers l’électrique.
Pour réduire la hausse du nombre de véhicules en circulation dans l’Union Européenne, Transport and Environment identifie le taux d’occupation comme levier clé et propose de viser une augmentation de 10% du taux d’occupation des véhicules particuliers. (Transport and Environment, 2024).
Dans un rapport publié en 2022 par l’Agence Internationale de l'Énergie, la mise à disposition des sièges libres des véhicules - notamment via le covoiturage - est identifiée comme une des 10 solutions clés pour réduire notre consommation de pétrole. L’AIE estime que la prise en compte de ces mesures clés par les économies les plus avancées pourrait permettre de réduire la demande en pétrole de 2.7 milliards de barils par jour en peu de temps. Elles représentent en effet un total non négligeable de 45% de la demande de pétrole. Les mesures liées à la sobriété constituent, la part la plus représentative de l’impact sur la consommation de pétrole.
Baisse de la demande de pétrole dans les économies les plus avancées en l’espace de 4 mois dans un scénario en 10 points clés.
Source : Agence Internationale de l’Energie, 2022.
Dans ce même rapport, l’AIE estime qu’une augmentation de 50% du taux d’occupation des véhicules sur un trajet sur dix dans les économies les plus avancées et l’adoption de bonnes pratiques de conduite permettrait, à court terme, de réduire de 470 000 le nombre de barils de pétrole consommés par jour. Cette mesure est absolument nécessaire au vu des objectifs de neutralité carbone en 2050 qui imposent une diminution de la consommation de 15 millions de barils par jour par rapport à 2021 dans les économies les plus avancées.
La FISITA, société savante des ingénieurs de l’automobile, a également identifié le taux d’occupation des véhicules comme levier important de décarbonation des transports à l’échelle européenne. Un rapport publié en 2023 stipule qu’une hausse du taux d’occupation sur les trajets du quotidien de 15% pourrait permettre une économie de 37 millions de tonnes de CO2 par an dans l’UE et l’impact serait équivalent au remplacement de 30 à 88 véhicules thermiques en véhicules électriques. (Fisita, 2023).
Source : FISITA, 2023
De même, le groupe international d'experts sur les ressources affilié aux Nations Unies affirme que tout au long du cycle de vie d’un véhicule, les réductions de gaz à effet de serre les plus importantes résident dans la phase de consommation grâce à des pratiques vertueuses de partage de trajets et de réduction de la taille des véhicules. (European Environmental Agency, 2021).
L’agence Européenne pour l’Environnement rejoint la nécessité de la prise en compte du taux d’occupation dans son rapport publié en 2021 : “Pour le transport de voyageurs et le transport de marchandise, des économies de gaz à effet de serre peuvent être obtenues via un report modal qui dépend du taux d’occupation/ de remplissage des véhicules et des technologies” **. Via la prise en compte du taux d’occupation, l’AEE invite à penser les politiques publiques en termes de déplacement des personnes (passagers/km) plutôt que des véhicules (véhicules/km) : “Le problème fondamental n’est pas la manière de créer une voiture plus durable mais plutôt de comment répondre aux besoins de mobilité de la société, d’un point à un autre”. (European Environmental Agency, 2021).