Une système de transport mature mais inefficace
Un système de transport qui doit repenser la mobilité
Le système de transport, composé des infrastructures (routes, voies de chemin de fer…) et des équipements (voitures, trains, métros, bus, cars…), n’a plus besoin de croître de manière significative dans les pays industrialisés. Si des modifications sont encore nécessaires localement, d’un point de vue global, il a atteint l’âge de la maturité. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’a pas vocation à évoluer, bien au contraire ! S’il est bien dimensionné, le système de transport a en revanche besoin d’être optimisé : nous pouvons faire mieux avec la même chose (ou même faire autant avec moins).
En effet, le système de transport contemporain a été largement pensé et construit au XXème siècle et notamment lors des 30 glorieuses : une époque dont les objectifs, les contraintes et les projections dans le futur étaient bien différents des nôtres. L’objectif était alors de développer un système viable qui permette à tous d’accéder aux transports (un équipement voire un multi-équipement en voiture(s) de chaque ménage, des routes et autoroutes toujours plus pratiques). Les enjeux de ce siècle ont changé : précarité énergétique et fractionnement du territoire, contraintes énergétique et climatiques, pollutions, déficit commercial… Il s’agit aujourd’hui de construire un système viable qui apporte des services de mobilité à tous de manière efficace.
En résumé, le système est construit, grand, fort et beau (comme un jeune de vingt ans) : reste plus qu’à le rendre sage (comme un adulte de… 30 ans !).
Du véhicule thermique au véhicule électrique
A cet égard, le cas de la voiture est particulièrement éclairant. Rappelons d’abord que la mobilité des personnes est essentiellement déterminée par la voiture, du fait de cette histoire précitée (avec 84% des kms.voyageurs effectués en France en véhicules particuliers ). En conséquence, afin d’agir sur les vrais ordres de grandeur, il faut agir sur la voiture en premier (même si les transports collectifs, le vélo et la marche… constituent des solutions d’avenir complémentaires).
Lorsque l’on veut agir sur la voiture, on pense évidemment à la motorisation (ah, le Graal de la voiture électrique…). Plus rarement et c’est aussi important, à la conception optimisée de véhicules plus légers qui permettent d’éviter d’avoir à déplacer 2 tonnes pour transporter un bonhomme de 75 kgs.
A titre d’exemple, pour passer de 6 L/100km à 1,5 (division par 4), il faudrait diviser par 3 le poids des véhicules, diviser par 2 la résistance à l’air et diviser par 5 la puissance motrice. Autrement dit, le progrès technique ne permettra pas de s’affranchir d’une révision radicale du système automobile.
Il est rarement mis en avant que le changement de l’usage de la voiture constitue un troisième levier, au moins aussi puissant que les 2 premiers leviers. Gabriel Plassat, coordinateur du pôle système de transports et mobilités de l’ADEME, indique que « une moitié des efforts nécessaires pour atteindre cet objectif porte sur les progrès technologiques, l’autre moitié sur l’évolution des comportements. Si nous réussissons à passer de 1,2 à 2 personnes par véhicule, cela équivaudra à un gain de quarante ans – vingt ans de progrès technologique, puis vingt ans pour que les nouveaux objets pénètrent dans le parc » .
Petits calculs de coin de table. Le taux d’occupation moyen des voitures est de l’ordre de 1,4 passagers/véhicule, soit en permanence de l’ordre de 3,6 sièges vides par véhicules. Les 3,6 sièges vides moyens représentent de l’ordre de 2 000 milliards de « places vides.kms » par an, soit plus de 13 fois l’usage actuel des transports en commun ou plus de 2 fois le besoin de transport total de personnes en France.
Miser sur le taux d’occupation des véhicules pour réduire le budget des ménages
C’est trivial, mais cela vaut quand même le coup d’être rappelé : augmenter de 50% le taux d’occupation d’un véhicule (soit 2,1 passager en moyenne, ce qui reste confortable dans un véhicule de… 5 places), représente, toute chose égale par ailleurs, le même gain que la réduction de la consommation moyenne de carburant du parc actuel de véhicules de 33%. Ou encore, une réduction de dépenses des ménages en carburant de 33%, soit 12,5 milliards d’euros en 2013 (sans compter d’autres dépenses réduites d’entretien, de péages…). Sur la base de ces ordres de grandeur, nous pouvons retenir qu’une augmentation du taux d’occupation de 0,1 passager/véhicule représente un gain de pouvoir d’achat pour les ménages de l’ordre de 1,8 milliard d’euros. Que signifie une augmentation moyenne de « 0,1 passager/véhicule » ?… Disons que cela correspond à, pour 10 voitures, trouver un « piéton » (ancien automobiliste qui aurait laissé sa voiture au garage) pour qui l’un des 36 sièges-vides qu’il voit passer devant lui serait utile.
Le début du XXIème siècle sera d’abord consacré à piocher dans ce gisement par une recherche d’optimisation générale du système.
L’optimisation a de quoi nous rendre optimistes (!) pour l’avenir… mais tout reste à faire !
Source : Réflexions sur l’énergétique des véhicules routiers, M. Barreau et L. Boutin, 2009.
Les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques, rapport d’initiative parlementaire, F. Keller, D. Baupin, janvier 2014
Les dépenses annuelles en carburant des ménages motorisés sont disponibles dans les « comptes transports » des services du Ministère en charge des transports (voir « séries longues »).