Mobilité durable et décarbonation en zones rurales et périurbaines : quelles solutions concrètes ?
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Pour faire advenir un véritable “système covoiturage”, à même de massifier le partage de trajets et d’en faire un nouveau transport collectif hors des centre-villes, l’action publique est nécessaire à tous les échelons : national, régional, local.
En décembre 2022, l’Etat a débloqué, pour l’année 2023, 2 milliards d’euros de crédits, pour financer les projets portés par les collectivités territoriales et leurs partenaires. Ce “Fonds Vert”, ou fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, vise à soutenir les collectivités dans leurs projets liés à la performance environnementale et à l’adaptation face au changement climatique.
Parmi ces 2 milliards, le Gouvernement a annoncé un plan national pour le covoiturage quotidien, dont la mesure phare se trouve être la mobilisation du fonds vert à hauteur de 50 millions d’euros pour soutenir les collectivités dans leurs projets de covoiturage.
Cette mesure vise à participer à la mise en place d’un véritable système de covoiturage à l’échelle d’un territoire. L’objectif est clair : “au moins une ligne structurante par département”.
La mise en place de ce système passe par une action coordonnée des différents acteurs sur les différents piliers d’une politique publique de covoiturage : planification, financement, aménagement, communication.
Les départements ont un rôle à jouer dans la lutte contre l’autosolisme. S’ils ne sont désormais plus directement en charge de la compétence mobilité, ils conservent un rôle déterminant en tant que gestionnaire et exploitant du réseau de voirie départementale. Les Conseils Départementaux gèrent près de 380 000 km de routes, soit ⅓ du réseau, avec parmi elles de nombreuses pénétrantes d’agglomération ainsi que des liaisons entre polarités importantes des territoires. En 2019, le poste « routes » représentait 71€ par habitant, soit un peu plus de 6% du budget des Départements.
Ce rôle de gestionnaire d’infrastructure routière devrait se voir conforter avec la mise en oeuvre progressive des dispositions de la la loi 3DS en matière de transfert des routes nationales. A ce jour, 16 départements ont fait le choix de récupérer la gestion de plus de 1300 km de routes nationales.
Le rôle des départements ne se limite pas à l’entretien des routes. Ils promeuvent des nouveaux modes de transport (modes actifs au travers de pistes cyclables, mobilités partagées au travers d’aires de covoiturage et arrêts de lignes de covoiturage, etc.) et construisent des infrastructures innovantes. Ils peuvent également porter ou financer les projets routiers des collectivités locales et de l’Etat. L’adaptation des infrastructures routières (aires de covoiturage, arrêts de dépose / reprise de lignes de covoiturage) est donc un levier clé de l’action des départements en faveur du covoiturage.
Par ailleurs, via l’action sociale ou le transport des élèves en situation de handicap, les Départements agissent en matière de mobilité inclusive et solidaire auprès de publics en situation de précarité vis-à-vis de la mobilité. La LOM charge les départements et les Régions de piloter l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre d’un plan d’action commun en matière de mobilité solidaire (PAMS), à l’échelle des bassins de mobilité. Ce plan doit permettre d’assurer une coordination entre les acteurs de la sphère sociale, de l’emploi et de l’insertion et les autorités en charge des mobilités, afin de mieux articuler leurs actions et construire un accompagnement plus efficace des publics vulnérables. La compétence sociale est donc le deuxième levier clé pour l’action des départements en faveur du covoiturage.
Enfin, au titre de leur compétence (optionnelle) en matière d’aides aux communes et EPCI, ils peuvent mettre à disposition leur ingénierie technique ou financière et cofinancer des dispositifs locaux de covoiturage (ex : Picholines dans le Pays Coeur d’Hérault qui a reçu le soutien technique du CD34).
Au-delà de leurs compétences propres, les Départements sont plus largement des parties prenantes incontournables des politiques menées à l’échelle des bassins de mobilité prévus par la LOM. Le CD de Loire Atlantique est ainsi signataire du 1er contrat opérationnel de mobilité – annoncé par la Région Pays de la Loire.
Depuis plus d’une décennie, les Départements interviennent pour promouvoir et inciter le covoiturage. L’action la plus visible et emblématique est l’aménagement d’aires de covoiturage.
Planifié par l’intermédiaire d’un plan départemental ou d’un schéma directeur, l’aménagement d’aires se fait selon des stratégies d’intervention variées : de l’aménagement à l’opportunité (foncière principalement) à une programmation pluriannuelle partagée, de la recherche d’un maillage territorial à une action ciblée sur les pénétrantes des grandes agglomérations, de la création d’aires de grande capacité sur les noeuds routiers à une logique de labellisation de parking dédié avec d’autres gestionnaires.
Complémentaire aux schémas des aires de covoiturage demandés aux AOM par la LOM, les schémas départementaux gardent toute leur pertinence dans la mesure où les départements sont souvent maîtres d’ouvrage des aires et présentent une vision des besoins à une échelle large, cohérente avec les bassins de vie, alors que les déplacements en covoiturage dépassent souvent le ressort territorial des AOM. Les différents schémas doivent ainsi être coordonnés. Au-delà des emplacements et du dimensionnement des aires, des questions de jalonnement, de lisibilité physique et numérique se posent et doivent également être coordonnés entre les maîtres d’ouvrages des aires et les AOM qui déploient des services.
L’analyse de la base nationale des lieux de covoiturage disponible sur data.gouv.fr fait ressortir des taux d’équipement variables : d’une dizaine d’aires à plus de 100. Ces différences sont autant liées à l’équipement réel en parkings qu’à la qualité et l’exhaustivité des remontées dans la base opendata nationale. Les départements de la façade ouest, ainsi que de départements comme le Nord, le Pas de Calais, la Haute-Garonne ou le Haut-Rhin sont particulièrement bien dotés en nombre d’aires comme en capacité offerte et alimentent la base nationale data.gouv.fr.
Pour définir l’ambition et les objectifs des schémas directeurs, la majorité des départements se fixent un objectif quantitatif d’aires ou de nombre de places à aménager. Ces objectifs sont de plus en plus définis sur la base d’une analyse du potentiel et des besoins à partir d’outils de planification du covoiturage. Au-delà de l’aide au dimensionnement, ces outils permettent d’identifier les zones blanches couvertes ni par une offre de transport collectif ni par une aire de covoiturage pour cibler les zones prioritaires d’aménagement. Ils permettent enfin d’établir des indicateurs de suivi (mesure récurrente de l’usage des aires) et d’indiquer les territoires accessibles à partir de chaque aire de covoiturage (visibilisation de l’offre de covoiturage). Réels outils de conception, ils contribuent ainsi également à l’animation auprès des usagers et à l’évaluation.
Légende : Outil de visualisation des Aires de covoiturage de Haute Garonne et de leurs aires de chalandise (communes utilisant chacune des aires) – Ecov 2022 pour le département de la Haute Garonne, Plan d’Aménagement des Aires de Covoiturage.
On observe par ailleurs une montée en gamme de l’infrastructure avec une transition du parking de covoiturage vers un concept d’aires multiservices (ex : Aude) ou multimodales (ex : Pyrénées Orientales). Les nouveaux projets recherchent l’interconnexion avec les transports collectifs et se dotent progressivement d’équipements et de services pour améliorer l’expérience usagers : éclairage, mobilier d’attente vidéosurveillance, intégration paysagère, borne de recharge, sanitaire, mobilier d’attente stationnements vélos sécurisés, etc.
Cette tendance à la montée en gamme de certaines aires clés de covoiturage n’empêche pas les départements de hiérarchiser les aires et d’adapter les aménagements (types de revêtements, jalonnement, équipements) et services à l’usage. Trois niveaux hiérarchiques sont généralement mis en œuvre avec des coûts à la place contrastés : aires structurantes, aires intermédiaires, aires de proximité. Les enjeux d’artificialisation des sols sont également pris en compte et des mutualisations avec la labellisation de parkings existants est également recherchée.
Au delà de l’aménagement d’aires, certains Départements font le choix d’aller plus loin en proposant des services :
Ce type d’action doit nécessairement se faire en concertation avec la Région, compétente sur le sujet (hors RT des AOM) et peut éventuellement faire l’objet d’un conventionnement Département/Région.
Le Département constitue un acteur essentiel pour la mise en œuvre du “système covoiturage”.
Par son rôle d’aménageur et de soutien aux communes et intercommunalités, il peut impulser une dynamique en agissant sur le levier infrastructure (aires, voies réservées). Il sera un acteur incontournable pour la mise en œuvre de projets des AOM et Régions dans la phase de déploiement des lignes de covoiturage et des parkings.
Le covoiturage est également une réponse à des problématiques d’exclusion, d’accès à l’emploi et de maintien du lien social de publics précaires non motorisés. Un réseau activable de covoiturage est ainsi une réponse efficiente à des problématiques de la compétence sociale des départements qui peut, en lien avec les AOM locales et la Région, être moteur dans le déploiement d’un maillage du territoire avec ce type de solutions intégrant un accompagnement spécifique des publics précaires.
Pour ce faire ces actions doivent être :
Ecov a récemment accompagné plusieurs départements dans leur stratégie covoiturage : études de potentiel, études d’opportunité de lignes de covoiturage, schéma directeur d’aires. Ces études peuvent permettre aux départements de fonder leur intervention sur les potentiels des différentes formes de covoiturage, en complémentarité avec l’intervention des AOM régionales et locales.
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