Pour un transport express pour tous dans “la France qui conduit”

La France doit avoir un système de mobilité adapté à ses besoins, visant à offrir à plus de 80% des Français un service express de déplacement en moins de 10 minutes d’ici quelques années.

La “France qui conduit” mérite un système de mobilité à la hauteur des enjeux et de ses aspirations. Il n’est pas utopiste d’ambitionner que, d’ici quelques années, plus de 80% des Français aient accès à un service express de mobilité à moins de 10 minutes de chez eux. Mais pour cela et alors que la proposition de loi initiée par le député Jean-Marc Zules, sur les Services Express Métropolitains et Régionaux (SERM) est en cours d’examen, il faut penser global. S’appuyer sur les RER métropolitains est important, aller bien au-delà est primordial.

Avoir accès à un transport express en moins de 10 minutes

Face aux défis actuels, il est temps de sortir des sentiers battus et de construire un réseau de transport novateur, durable et accessible à tous.

L’état de l’art est clair : plus de 60% des Français qui vivent hors des centres-villes souhaiteraient moins utiliser leur voiture au quotidien, mais ne le peuvent pas. Pour qu’ils lâchent le volant, il faut qu’ils disposent d’une offre alternative de qualité : rapide, fréquente, fiable, appelons cela “express”. Oui, il faut un « choc d’offre ». Comment déployer des transports à haute fréquence hors des zones denses ? Le réseau à construire pourrait reposer sur trois briques.

  • La première brique, la plus visible, est constituée des trains à haute fréquence –les RER-, sur les « étoiles ferroviaires » des métropoles. Mais ne nous y trompons pas : il n’y aura pas de nouvelle ligne, seulement des services améliorés avec un fort cadencement. Autrement dit, les RER métropolitains ne satisferont qu’une fraction de la population. Par ailleurs, ils mettront 10 à 15 ans à être déployés et nécessitent des investissements colossaux.

  • La deuxième brique repose sur le déploiement de lignes de car express. Récemment, un rapport porté par Francois Durovray, président du département de l’Essonne, démontre comment des lignes de cars à haute fréquence permettraient de renforcer le réseau pour les territoires franciliens qui ne bénéficient pas du Grand Paris Express et ce, à un coût limité. Le cas d’application dépasse évidemment l’Ile-de-France.

  • La troisième brique, enfin, repose sur une innovation française : les “lignes de covoiturage express”. Elles fonctionnent comme une ligne de cars, mais l’offre est assurée par les conducteurs qui y passent sur leurs trajets quotidiens. Elles ont fait la preuve de leur capacité à transformer les sièges libres des véhicules particuliers en offre de transport collectif de haute qualité avec un temps d’attente moyen inférieur à quatre minutes. Les collectivités se saisissent du sujet, pour en faire une vraie politique structurante, à l’instar du Syndicat des Mobilités de l’Aire Grenobloise (SMMAG), des Métropoles de Rennes, Lyon, Rouen, Reims…

Mailler à haute fréquence : lignes de RER + lignes de car express + lignes covoiturage express

La logique est simple : pour avoir un service à haute fréquence, il faut des véhicules qui passent très régulièrement. Pour que cela soit viable tant économiquement qu’écologiquement, ces mêmes véhicules doivent afficher un taux de remplissage élevé.

Du point de vue de l’usager, le service de mobilité est le même : se déplacer de manière rapide, avec certitude et sans la contrainte de réserver ou de planifier. Du point de vue du système, il s’agit de mettre les bons véhicules (petits, moyens, gros), en fonction du flux à transporter. En somme, s’il y a 300 personnes à transporter toutes les 15 minutes, mettons un RER ; s’il y en a 30, mettons un car express ; s’il y en a 3, mettons une ligne de covoiturage express. Et maillons ainsi le territoire. Ces trois briques sont à construire et à déployer de manière conjointe : plus le réseau sera étendu, plus il sera attractif. Ce réseau de transport express pour la “France qui conduit” permet de donner une nouvelle perspective à l’aménagement du territoire : il se construit autour des « gares », qu’elles soient ferroviaires ou routières, existantes et à créer. Ces points d’entrée dans le « réseau express » deviendront des « hubs multimodaux » (vélo, transport à la demande, transport solidaire, covoiturage planifié…), et faciliteront la densification du territoire

Un nouveau service public pour embarquer la “France qui conduit” dans la transition écologique

In fine, ce système multimodal n’est rien d’autre que ce qui fonctionne déjà dans les centres-villes, mais adapté aux caractéristiques de zones moins denses. Pour y parvenir, il faut des moyens : des ressources fiscales pour les collectivités, pérennes, dédiées à ces services. Il faut également que deux frontières symboliques tombent : celle qui sépare le ferroviaire du routier, et celle qui sépare les transports collectifs de la voiture individuelle.

À la faveur des travaux mentionnés précédemment, la première est en train de tomber : dans la proposition de loi déposée, il est bien envisagé que les services express puissent être sur le rail ou sur la route. Mais, il faudra aller au-delà des 10 à 13 SERM envisagés : aucun territoire ne doit être laissé au bord du chemin.

La seconde barrière, elle, est encore bien haute. Nous proposons une extension explicite du domaine du service public de mobilité à celui de la voiture partagée. Il s’agit d’organiser la socialisation de la voiture par une action publique pilotée par les collectivités locales, et permise par les habitants de ces territoires qui, contrairement aux clichés, débordent d’envie de partage et de solidarité.

Le déploiement des Services Express Régionaux Métropolitains, s’il intègre bien les différents modes à haute fréquence –RER, lignes de car express et ligne de covoit express-, et leur déploiement dans une “version simplifiée” aussi là où il n’y a pas de train, constituent une perspective historique, pour que “la France qui conduit” devienne “la France qui partage”.

Anne-Marie Idrac, administratrice indépendante, ex-secrétaire d’Etat aux transports, et ancienne présidente de la RATP et de SNCF

Francois Gemenne, chercheur, enseignant à Sciences Po et HEC, auteur principal du GIEC

Thomas Matagne, président fondateur dEcov

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