Mobilité durable et décarbonation en zones rurales et périurbaines : quelles solutions concrètes ?
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En effet, comme le rappelait Aurélien Bigot en introduisant le débat, la techno à elle seule ne permettra pas d’atteindre nos objectifs carbone, et tous les scénarios montrent qu’il est nécessaire de combiner à la fois les leviers technologiques et de sobriété.
Le constat est clair et notre dépendance aux hydrocarbures repose en bonne partie sur un gaspillage des ressources, par construction systémique : 81% des km parcourus par les Français le sont en voiture, et hors des centres-villes, les alternatives sont limitées ou inexistantes. Avec un taux d’occupation de 1,6 personne par voiture en global, et de 1,3 pour les trajets du quotidien, 2⁄3 litres (ou deux barils sur trois) servent à déplacer des sièges inutiles, c’est 75% de la capacité du système routier qui est gaspillée.
Parmi les cinq paramètres de la transition présentés par A. Bigot, le facteur “taux d’occupation” est d’après la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) aussi important que le “report modal” (vélo, transports en commun, etc. combinés).
C’est pourquoi A. Bigot soulignait le potentiel important du covoiturage étant donné le faible taux de remplissage (ou taux d’occupation) des voitures actuellement.
Le récent rapport du CGEDD et France Stratégie – “Prospective 2040-2060 des transports et des mobilités, 20 ans pour réussir collectivement les déplacements de demain” – explicite l’importance de la sobriété, parmi laquelle le taux d’occupation :
Pour faire simple, le taux d’occupation représente, selon les scénarios et les méthodologies, entre 5 et 20% de l’effort à conduire (uniquement sur le critère “réduction carbone”), soit à peu près autant que la question des autres transports collectifs et du vélo réunis, par exemple.
Notre question était donc : est-ce que le “taux d’occupation” a la place qu’il mérite dans le débat sur la mobilité ?
Est-ce que, faire en sorte que le gaspillage routier s’arrête, est devenu une question politique au même titre que le développement du vélo ou la préservation des petites lignes ferroviaires ?…
Spoiler : non !
Notre méthode a été de regarder les interventions des représentants des candidats lors du « Grand débat transport » organisé par TDIE le 15 mars 2022. Nous avons tendu l’oreille pour voir si les termes “taux d’occupation” et “covoiturage” étaient employés spontanément, si les candidats prévoyaient du budget (comme pour les autres mesures), avons tenté de remettre cela en contexte sur l’intervention globale.
Le terme “covoiturage” est mentionné spontanément deux fois, notamment les voies express pour transports en commun (TC) et covoiturage, des pôles d’échange multimodaux. Le sujet est évoqué subrepticement, en complément mineur d’un propos plus global, mais présent. Pas de mention de budget.
Le reste du propos porte à la fois sur les territoires, le besoin d’infrastructures (loi de programmation budgétaire), le soutien à la décarbonation de la route (le bonus écologique pour inciter à l’achat de véhicules électriques, crédit à taux zéro pour les ménages les plus modestes touchés par la mise en place des ZFE…), le soutien au ferré avec de forts investissements, l’intérêt pour le vélo…
Le terme “covoiturage” cité une fois dans le cadre de la proposition de “ticket climat”. Dans les questions réponses posées par l’animateur, David Belliard a rappelé des éléments nécessaires : incitations, infrastructures, changement de comportements et de représentations… Pas de mention de budget.
Le discours plus global est marqué par la volonté de sortir de la dépendance à la voiture individuelle, avec fort accent mis sur le ferroviaire (7 md€/an), les transports collectifs et le vélo (0,5 md€/an). Le soutien au véhicule électrique est affirmé (bornes de recharges).
Jacques Baudrier cite le covoiturage spontanément, comme un moyen à développer, en rappelant qu’à moyen-long terme, pour 70-80% de la population, le recours à l’automobile sera indispensable pour exercer son droit à la mobilité. Pas de mention de budget.
Le reste du propos est porté par le droit à la mobilité pour tous, et en soulignant qu’il ne peut y avoir de démobilité (si ce n’est par la pauvreté ou l’anti-démocratie). Les investissements portent sur les transports collectifs (+3md€/an), le ferroviaire (5 md€/an), le vélo (1 md€/an)… Un accent est mis sur la tarification (gratuite dans les transports collectifs, y compris TER).
Le covoiturage est mentionné spontanément par Fabienne Keller qui souligne le besoin d’offres alternatives.
Le reste du propos est largement tourné sur le bilan du quinquennat (avec des succès tels que la LOM ou le fonds vélo), bien plus que sur le projet pour le futur… difficile donc de savoir quelle est l’ambition de LREM sur le covoiturage, comme sur le reste.
Olivier Jacquin affirme le besoin de socialiser l’utilisation de la voiture avec l’amélioration des taux d’occupation de la voiture, notamment stimuler le covoiturage courte distance, avec des offres structurées (mention d’Ecov !) associées à l’utilisation judicieuse de voies réservées, dont il considère qu’il y a “un gros potentiel”. Pas de mention de budget.
Plus largement, l’ambition mobilité porte sur une priorité sur les mobilités du quotidien, avec une mention à la fois de la route (bornes électriques, retrofit, véhicules légers) et les transports collectifs (+1md€/an pour les TER…), et le vélo (x2 le fonds vélo). Olivier Jacquin souligne le besoin de penser intermodalité et il mentionne le besoin de finances pour les nouvelles autorités organisatrices de la mobilité, qui sont dépourvues de base fiscale.
Le covoiturage et l’enjeu du taux d’occupation ne sont pas cités. Pas de mention de budget.
Sur les autres sujets, l’accent est mis sur le besoin de réduire la dépendance à la voiture individuelle par le développement du ferroviaire (6 md€ pour rénovation du réseau), des transports collectifs urbains etc. Mentionne notamment le besoin d’un service public fort et d’intervention de l’Etat auprès des autorités organisatrices de la mobilité.
Le covoiturage et l’enjeu du taux d’occupation ne sont pas cités. Pas de mention de budget.
Sur les autres sujets, l’accent est mis sur le besoin de réduire la dépendance à la voiture individuelle par le développement du ferroviaire (6 md€ pour rénovation du réseau), des transports collectifs urbains etc. Mentionne notamment le besoin d’un service public fort et d’intervention de l’Etat auprès des autorités organisatrices de la mobilité.
La plupart (5 sur 6) des porte-paroles des candidats à la présidentielle citent spontanément le covoiturage comme l’une des solutions pour réduire l’usage de la voiture individuelle. On sent bien que le sujet travaille les candidats et offre une perspective… Quelques expressions sont un peu plus ambitieuses, mais globalement ils se cantonnent en général d’un “saupoudrage” ou de mention superficielle faisant partie d’un package fourre-tout (covoiturage en même temps que “alternatives” et “autopartage”), sans plan structurel pour redéfinir le “système voiture”.
En particulier, aucun d’entre eux n’a mentionné le besoin de financement d’un “plan taux d’occupation” (ou “plan covoiturage”), permettant de financer les services et les adaptations des infrastructures ; par différence, ils le font pourtant quasiment tous pour parler du vélo, des transports collectifs, des bornes électriques, des lignes ferroviaires etc.
Le taux d’occupation et le covoiturage sont deux notions qui émergent dans le débat politique. Mais eu égard au caractère dimensionnant (cf. première partie), l’enjeu n’a pas encore la place qu’il mérite dans le débat public sur la mobilité dans ces présidentielles.
Par Thomas Matagne, Président Fondateur d’Ecov
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