Des voies réservées intelligentes pour faire évoluer la pratique du covoiturage

Vue aérienne d'une autoroute embouteillée avec plusieurs files de voitures arrêtées.

Le 24 janvier dernier, TF1 réalisait un reportage sur le sujet des slug lines / casual carpooling, autrement dit, des lignes de covoiturage informelles, sur voies réservées. Une pratique implantée depuis 50 ans aux Etats-Unis.
En France pourtant, les voies réservées ne sont qu’à leurs balbutiements. Avec une première ligne ouverte en 2020, cela ferait hypothétiquement 50 ans de retard sur nos homologues américains. Mais parle-t-on exactement de la même chose ? Avons-nous réellement 50 ans de retard ? Et quelles solutions pouvons nous proposer pour faire mieux ? Décryptage.

Vue aérienne d'une autoroute embouteillée avec plusieurs files de voitures arrêtées.

Les voies réservées au covoiturage, un modèle qui fonctionne à l’étranger

Point définition, sur les voies réservées. Selon France Mobilités, ce sont des voies “pour les transports en commun, taxis, véhicules transportant un nombre minimal d’occupants (dont le covoiturage) et véhicules à très faibles émissions (électrique, hydrogène)”.

Autrement dit, des voies qui ne sont pas que réservées au covoiturage, mais qui sont réservées à des catégories de véhicules en particulier : les plus vertueux… ou les plus occupés !

À l’étranger, ce sont les Etats-Unis les plus avancés en la matière. Les voies réservées existent depuis les années 1970. Longues de 6000 km, elles permettent aux conducteurs de gagner du temps en partageant leur trajet avec des passagers. Et aux passagers d’être sûrs de trouver un trajet, en se rendant sur des arrêts “semi-formels” où ils trouveront forcément un conducteur.

Il s’agit d’un cas assez spécifique, puisque les voies réservées ont émergé via les pratiques informelles de covoiturage. Autrement dit : l’usage a façonné l’infrastructure.

Portée par le modèle d’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud est un continent sur lequel, depuis les années 2000, le covoiturage est aussi en pleine expansion, avec des voies réservées spécifiques. En Europe, il existe des voies réservées bus et covoiturage à Madrid depuis 1994, et des VR3+ à la frontière Belgique / Luxembourg depuis 2018.

En France, un retard au démarrage… dû à des difficultés majeures

En France, des voies réservées au covoiturage et à certaines catégories de véhicules (VR2+) ont été pour la première fois mises en place en 2020. Elles concernaient des axes structurant menant à des grandes métropoles : Grenoble, puis Lyon, pour commencer (source : Cerema).

Elles constituent un levier de transformation important des usages, puisqu’elles réduisent et fiabilisent le temps de parcours des covoitureurs. Malgré des débuts prometteurs, le système a du mal à se généraliser. Et cela s’explique par trois difficultés majeures.

  • L’effet “voies vides” Le principe est simple : lorsqu’on met en place des voies réservées, il n’y a généralement pas assez de covoitureurs pour les remplir. Pour reprendre une image très simple, l’effet est alors similaire au “syndrome du restaurant vide” : parce que l’on n’y voit personne, on en déduit qu’il y a de bonnes raisons à cela… Et on se tourne vers une autre alternative. Du point de vue des automobilistes bloqués dans la congestion, le résultat est le même : parce que la voie est vide, la perception du service est négative et elle devient un obstacle à l’acceptabilité. C’est ce qu’on appelle “l’effet de seuil”.

  • L’absence de service de mobilité, permettant à un conducteur de renoncer à sa voiture La principale motivation des passagers et des conducteurs est de gagner du temps sur les trajets du quotidien en empruntant une voie réservée. Or le gain de temps est une incitation puissante, mais malheureusement insuffisante. L’infrastructure, à elle-seule, n’est pas suffisamment incitative. Pour qu’un conducteur et un passager y trouvent leur compte (et donc gagnent du temps), l’infrastructure doit être soutenue par un réel service de mobilité destiné à rendre l’usage visible, lisible et utile pour les covoitureurs. Par un système de mise en relation des conducteurs autosolistes et des passagers par exemple. En résumé : pour inciter les conducteurs à lâcher leur volant, il faut proposer un service aussi fiable et performant que l’usage de la voiture individuelle.

  • L’absence de garantie de temps de parcours Une voie réservée au covoiturage, à elle seule, ne peut pas garantir le temps de parcours. En cause : les effets de trafic et notamment les “bouchons accordéons” ou les “bouchons fantômes” (ndlr. dès qu’une voiture ralentit brusquement, les suivantes ralentissent aussi… jusqu’à l’arrêt total). Il faut donc trouver des solutions pour optimiser la capacité de la voie, fluidifier le trafic et fiabiliser les temps de parcours. Et ce, quelle que soit la congestion en aval.

Trois difficultés importantes, mais pas insurmontables.

D’autant plus que le législateur cherche depuis plusieurs années à mettre en place un cadre pour accélérer la transformation des mobilités

Le cadre législatif français évolue favorablement

Après la Loi d’Orientation des Mobilités (2019) permettant de doter l’ensemble du territoire d’une AOM, la loi sur les Services Express Métropolitains promet d’accélérer la transformation de la mobilité au delà des centres-villes. En particulier, la loi SERM prévoit, en plus des services ferroviaires, « la mise en place de services de transport routier à haut niveau de service« .

D’après le cadre légal, les SERM « comprennent, sur chacun des axes routiers concernés, une trajectoire possible de réduction du trafic routier cohérente avec les objectifs de décarbonation« , avec notamment « la création de lignes de covoiturage express« .

La loi apporte même la précision suivante : « Lorsqu’une section d’autoroute ou de voie express est concernée par un projet de service express régional métropolitain et comporte au moins trois voies, la faisabilité et l’opportunité de la conversion d’une voie en voie réservée au covoiturage et aux transports collectifs sont examinées (…)”.

Le cadre législatif évolue favorablement et nous permet de nous doter d’outils pour faire progresser les pratiques. Sur le long terme, il ouvre le champ des possibles pour faire évoluer les politiques et les infrastructures. Mais nous devons également envisager des dispositifs innovants, applicables à plus court terme, et qui peuvent être couplés avec les systèmes de transports collectif existants.

Des voies réservées intelligentes en synergie avec les réseaux de transport collectifs et de covoiturage

C’est notre conviction : nous ne pouvons penser un système de voie réservée au covoiturage sans penser le reste du dispositif. Il est nécessaire de construire un réseau de transport rapide, cadencé, fréquent et fiable, partout et pour tous.

Diagramme explicatif du projet TRAPEZE combinant un réseau de lignes de covoiturage, des réseaux de transports collectifs et des voies réservées régulées.

C’est pour cela, qu’aux côtés de nos partenaires (Vinci Autoroute, Vinci Energie, Nokia Bells Lab, le Cerema) nous avons développé la solution innovante TRAPEZE : un système de lignes de covoiturage articulé autour d’une voie réservée 2.0, pour développer des mobilités plus soutenables sur le plan environnemental, économique et social.

Il s’agit de voies doublement régulées, mais sans les contraintes des voies réservées. Les trois difficultés majeures exposées précédemment ne s’y appliquent pas.

  • Avec TRAPEZE, il n’y a pas d’effet “voies vides” parce que le système permet au territoire d’autoriser de manière dynamique d’autres véhicules à emprunter la VR2+ afin d’optimiser le remplissage de la voie. Comme des taxis/VTC (déjà autorisés dans la loi LOM), ou des véhicules avec une personne respectant des conditions particulières (par exemple partageant leurs sièges libres, s’engageant à déposer leur véhicule à un parking relais et prendre un covoiturage ou une solution de transport en commun pour poursuivre leur trajet). 

  • Il s’agit d’un réel service de mobilité et non d’une simple infrastructure. L’innovation réside dans un réseau de lignes de covoiturage maillées entre elles ainsi qu’avec les réseaux de transports collectifs existants (routiers, ferroviaires). On ne parle pas uniquement de gain de temps, mais aussi d’un service performant et fiable. 

  • Le temps de parcours est garanti parce que la voie est régulée et fluidifiée grâce à une “double-régulation” du trafic. Une régulation à l’accès permet d’en garantir le remplissage optimal et la fluidité et une régulation dans la voie permet d’optimiser les conditions de circulation au service d’un temps de trajet minimal et garanti.

 

Alors, la France a-t-elle réellement 50 ans de retard ?

Si les Etats-Unis nous devancent sur l’infrastructure, nous pouvons gagner la bataille de l’innovation. Il faut proposer une offre fiable et compétitive à la voiture individuelle pour encourager les automobilistes à partager leurs sièges libres. TRAPEZE est un service de mobilité novateur, qui combine une voie réservée doublement régulée, à un système de mise en relation des usagers. En levant les freins à la mise en place des infrastructures, TRAPEZE ouvre la voie (réservée) pour amorcer la transition des mobilités.

Une innovation qui ne devrait pas tarder à faire ses preuves, avec son déploiement sur un territoire pilote prévu sous peu !

Partagez la publication :

Ces articles pourraient aussi vous intéresser

Pour recevoir nos actus et nos publications, inscrivez-vous à notre newsletter

Vous nous avez vu sur TF1 ?

Trouvez la ligne de covoiturage la plus proche de chez vous !